lundi 21 avril 2014

"Tel père, tel fils" de Kore-Eda Hirokazu

Sorti en salles en France le jour de Nöel dernier, le long-métrage Tel père, tel fils du cinéaste japonais Kore-Eda Hirokazu ne fait pas de cadeaux à ses personnages.

 

Dans son film, Kore-Eda brasse de nombreuses problématiques sociales et parentales universelles passées au filtre de la très atypique société japonaise, à la fois moderne et traditionaliste. Le film commence avec l'annonce pour un jeune couple que leur enfant de 6 ans n'est pas leur fils biologique : il a vraisemblablement été échangé à la naissance, et leur "véritable" fils a été localisé dans une autre famille. Un choix va dès lors se poser pour le couple : vont-ils garder leur enfant ou bien aller à la rencontre de leur l'autre famille ?

Bien sûr c'est la dernière option qui est envisagée par le couple (sinon à quoi bon faire un film). Et là c'est la rencontre de deux familles que tout oppose. D'un côté un couple urbain de la haute société, mari extrêmement dévoué à son travail, symbolisant l'homme fort qui a réussi et qui en tire un grand orgueil avec sa femme droite, silencieuse et plutôt soumise à son mari, les deux vivant dans un petit appartement bien placé. De l'autre, habitant dans le convenient store tenu par le mari, une famille plus "à la cool" ; niveau de vie modeste, trois enfants (dont le fils biologique de l'autre famille), lui est étourdi, humble et farceur, elle grande gueule et forte tête.

Avant même d'aborder l'aspect parental/filial c'est un choc des classes auquel nous assistons (malgré l'absence supposée de classes dans un pays qui se considère avant tout comme une nation unie*), qui ressemble de prime abord au stéréotype riche/guindé contre pauvre/relax, mais qui se révèle bien plus complexe et coloré à mesure que les liens et les loyautés se font et se défont...


Impossible d'en dire plus sans gâcher le plaisir de ceux qui n'ont pas vu le film, mais nous pouvons tout de même débroussailler certaines pistes lancées par Tel père, tel fils. Celle que nous soulèverons principalement est celle, universelle, de la parenté : Qu'est-ce qui fait que deux individus appartiennent à la même famille ? Qu'est-ce qui fait qu'un enfant est mon fils ou ma fille ? Qu'est-ce qui fait de moi son père ou sa mère ? La réponse dépend bien évidemment des sensibilités (et de l'éducation) de chacun, le film ne se prive d'ailleurs pas de montrer les différents points de vue, mais la réaction du père "riche" est intéressante. Extrêmement moderne en apparence, il se voit paralysé par l'idée que le fils qu'il a élevé puisse ne pas être de sa chair, et se met à considérer très vite son fils biologique comme son vrai fils, au détriment de l'autre (chez lequel il ne se reconnaissait d'ailleurs pas même avant la terrible révélation). Ses propres conflits intérieurs le pousseront d'ailleurs à retourner à ses propres origines, pour revoir un père avec lequel il est brouillé depuis toujours...

Cela ne peut manquer de nous renvoyer à notre société occidentale, certes différente de celle nippone mais pas moins concernée par ce genre de questions. Car on pourrait évoquer en parallèle, par exemple, ce que la psychologie en générale et la psychanalyse en particulier nous apprennent sur l'importance de l'éducation et l'influence de celle-ci sur le devenir de l'individu, et la découverte progressive du génome que nous apporte la génétique, qui nous apprend comment nous sommes "programmés"... En tout cas, l'hôpital du film certifie aux parents que 100% des couples dans le même cas que les protagonistes choisissent de procéder à l'échange d'enfant plutôt que de garder le leur. Véridique ou pas, ce chiffre fait réfléchir sur la mentalité japonaise à cet égard.

Alors ? Qui est notre fils ? Celui qui contient nos gènes ou celui que nous avons élevé ?
Nous laissons la question en suspens en nous en remettant à vos réactions ! Qu'en pensez-vous ? Le débat est ouvert, et n'hésitez pas à courir voir le film (et si vous ne trouvez pas de salle qui le projettent... il faudra braver Hadopi !)


*Sur ce sujet nos connaissances sont limitées, mais un article intéressant parle de cette organisation sociale atypique : http://www.erudit.org/revue/lsp/2003/v/n49/007909ar.pdf

La bande annonce :



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